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MOJO BAND
CD "File under blues" 2003
autoproduction
Ce cd (enregistré en 2001) paraît (enfin) en 2003 et l'on
peut dire que c'est un des meilleurs disques de l'année... Une
voix extraordinaire et des musiciens avec une maîtrise de leurs
instruments qui laisse pantois d'admiration. C'est donc une des révélations
de l'année !
Mike Lécuyer
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2 kroniks issues de La Gazette
de Greenwood :
par Jocelyn Richez
Le Mojo Band est composé de quatre musiciens: Julien Biget (guitare
et chant), Xavier Laune (harmonica), Stéphane Barral (contrebasse)
et Charles Duytschaever (batterie), tous des musiciens de bon niveau,
notamment les deux solistes.
En particulier, Xavier Laune est un harmoniciste très apprécié
des spécialistes, ce qui a valu au groupe d'être cette année
à l'affiche du festival d'harmonica de Saint Aignan (voir LGDG
n°52), ouvrant la soirée blues pour Nico Wayne Toussaint.
Leur musique est sophistiquée, très propre, l'ensemble est
très professionnel pour une auto-production. Tout est vraiment
soigné, jusqu'à la jaquette. La musique du Mojo Band est
à la frontière entre le blues et la country et dans l'esprit
très proche de Big Brazos, le groupe du Docteur blues. Ils aiment
bien les chansons de cow-boys comme le précisait Julien Biget à
Saint Aignan, c'est le cas en particulier des titres Goodnight Irène
et When I Was A Cow-boy de H. Ledbetter. On y trouve essentiellement des
ballades, des ambiances plutôt rurales, un son vraiment nickel.
Et puis, cerise sur le gâteau, le groupe bénéficie,
avec Julien Biget, d'un bon chanteur.
On peut juste regretter l'absence de compositions du groupe, ce CD étant
composé de reprises d'anciens morceaux de Sonny Boy Williamson,
Howling Wolf, Willie Dixon, Slim Harpo ou Blind Willie Mac Tell. L'ensemble
est cohérent et agréable à écouter, à
tel point que l'on se met à regretter que le CD ne soit pas plus
long (3è minutes seulement).
Jocelyn
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par René Malines
Alors que chez les amateurs, le débat fait rage sur le thème
: "c'en est, c'en est pas" ou plus subtil, genre les modernes
contre les anciens, à coups d'arguments bien sentis : "encore
des reprises, c'est la crise, toujours des standards, y'en a marre"
ou bien encore "en français ? en anglais ? en patois ? oui
mais lequel ?" Mojo Band fait son bonhomme de chemin, loin des querelles,
loin des chapelles et des conflits de ceux qui jugent la musique (dont
votre serviteur, personne n'est parfait ;).
Eux, la musique, ils la font. Et, totalement à contre-courant de
toutes ces chamailleries, ils créent, à partir de standards.
Mais peut-on encore parler de "reprises" ? Difficile à
dire. Car les 4 gars de Mojo Band joue effectivement des titres écrits
par d'autres, mais ils ne les reprennent pas, non. Ils les prennent, ils
les jouent, encore et encore, ils font leur cuisine et restituent à
l'auditoire quelque chose de totalement original, complètement
transformé.
En ce sens, oui, ils créent, absolument. Rarement a-t-on entendu
batteur de blues aussi subtil sous nos cieux. Charles Duytschaever, en
dehors du groupe, joue aussi du jazz. Pas étonnant qu'il maîtrise
son instrument de la sorte. Et si Stéphane Barral fait montre d'un
goût plus rockab' - il n'y a qu'à le voir pour s'en convaincre
- sa contrebasse se marie parfaitement au swing de Charles pour fournir
une assise toute de force et de finesse à la fois à cette
formation décidément hors du commun.
Xavier Laune, l'harmoniciste, pourrait sembler le plus traditionnellement
blues de la bande, jusqu'à ce qu'on lui prête une oreille
plus attentive. On s'aperçoit alors que l'éventail de ses
possibilités est bien plus large. Et qu'il joue sur diatonique
ou chromatique, qu'il sonne ample et plein ou saturé avec une attaque
pleine d'allant, amplifié ou acoustique, ses interventions, tant
en soliste qu'en accompagnateur, sont toujours un plaisir pour l'oreille.
Mais celui qui semble mener toute cette petite troupe, c'est Julien Biget.
Gueule d'ange, l'air de ne pas y toucher, ce tout jeune homme, les yeux
fermés, du coin des lèvres, vous envoie un chant qui vous
prend aux tripes et l'on ne sait plus si l'on doit laisser couler la larme
qui vous perle au coin de l'oil ou s'élargir encore le sourire
qui ne manque pas de vous écarteler les zygomatiques. Les deux
peut-être? Difficile en tous cas de définir ce chant à
l'exceptionnelle séduction. Disons, pour tenter de situer, qu'il
est quelque part entre le Kevin Doublé de Scratch My Back et le
Tom Waits des débuts, avant que la voix de l'Américain ne
devienne la monstruosité que l'on sait. Julien joue de la guitare
aussi. Et s'il connaît les plans du blues - aucun doute à
ce sujet - il évite d'en abuser, leur préférant un
jeu plus personnel, à l'économie certes, mais riche d'harmonie,
de musicalité.
C'est clair, ce garçon a beaucoup appris des bienfaits de l'improvisation,
et malgré son apparente jeunesse, ce qu'il met à profit
dans son jeu, single note, picking ou slide, acoustique ou électrique,
seule l'expérience peut l'apporter. Quelques lachés de notes
au détour d'un solo démontrent d'ailleurs que s'il joue
à l'économie, ce n'est pas par incapacité d'en faire
plus, mais bien par choix. Il préfère un propos clair à
un long discours, les mélomanes apprécieront. En concert,
on découvre à son écoute, n'ayons pas peur des mots,
l'un des guitaristes les plus intéressants de la scène blues
française.
Et tout ce petit monde s'est enregistré il y a deux ans à
Lille, d'où nous vient le Mojo Band. L'impression d'ensemble pourrait
se résumer à "du blues passablement jazzifié"
joué avec énormément de talent, mais ce serait forcément
réducteur. Le plaisir qu'on éprouve à l'écoute
de Mojo Band, sur l'album et peut-être plus encore en live, est
bien supérieur à ce que tous les mots pourraient laisser
penser. Si ce n'est déjà fait, un groupe à découvrir
de toute urgence, et à suivre de très, très près.
René
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